
Mes premiers souvenirs de collège les plus tenaces sont ceux qui ont eu pour cadre les menaces de guerre mondiale, d’attaques chimiques et de manipulation médiatique. C’était en
1991 . On dit que les meilleures fiestas sont souvent celles dont la guerre en est le théâtre. C’est peut-être pour ça que je n’ai jamais pris les réactions excessives des adultes au sérieux. Les fêtes étaient si décevantes que je regrettais amèrement que l’Irak n’ait pas eu "
la quatrième plus grande armée du monde". A chaque fois que je me retrouvais dans une soirée, je souhaitais vivre un attentat biologique. La vie culturelle en banlieue n’était pas forcément plus enviable que celle subie dans le berceau de la civilisation. La guerre mondiale n’a pas eu lieu. Une
guerre larvée, civile cette fois, commençait à prendre la forme d’une
maladie chronique. Je n'y étais pas mais je comprenais. La
publicité commençait à remplacer le critique dans son rôle de passeur. Seul le club des ratés lisait les
Inrocks. Inutile de dire que ces membres n’étaient pas forcément les bienvenus dans ces soirées très sélect. Curieusement un ou deux d’entre eux étaient ovationnés... du moment qu’ils n’apportaient pas leurs musiques. Des
nerds populaires en quelques sortes. J’étais juste
populaire, j’enviais donc leurs obsessions et leur culture musicale. Pas étonnant qu’ils fassent partie de mes amis. L’année d’après, je commençais ma discothèque.
L’année d’après
je n’ais pas fais la fête, je n’ai pas manifesté, je n’ai pas vu de concert, j’ai simplement
appris à
cultiver mes goûts musicaux. Oh rien de révolutionnaire, certes, mais tout de même de la qualité. En 1993 c’est la naissance d’un
homme dont le destin aurait pu être celui d'un
Truman, mais qui finalement n’ira pas plus loin que celui d’un
Marcel Béliveau aux méthodes
sinistres. C’est à cette période que j’ai décidé de ne pas choisir. Le confort
pop ou la radicalité
punk. Boulimique j’ai pris les
deux.
Le Champagne et les barricades. Le week-end j’étais
pop, en vacance j’étais
punk. Unir
nerds et
bogosses durant l’année. M’enivrer -pas que- d’improvisations musicales anarchistes au pied du Palais des Papes sous le soleil de juillet. Voilà, durant quatre ans, j’ai comblé l’ennui d’une scolarité
médiocre dans une banlieue lénifiante, parmi une masse
lobotomisée, en m’enfonçant dans des
soirées que ne renierait pas
Jean-Paul Civeyrac tout en expérimentant les
drogues dures. Tout à coups, je devenais moins sociable. Les
garçons et pire encore... les filles me fuyaient. L’acné poussait.
Ps: Je ne connaissais pas encore ce bon vieux Sad, mais apparemment de tout temps il aurait été mon ami. Sa derniere chronique
le confirme.