4.11.07

Nous, les vivants!




Vous hurliez des choses horribles, violentes et vous vous êtes enlaidi. Moi, je criais des choses justes et je suis un splendide trentenaire. Voilà ce que j’ai envie de balancer à cette "nouvelle" gauche, à mes compagnons de jeunesse à ces anciens gauchistes misogynes à ceux encore qui me parlent de pragmatisme et de ma soit-disant naïveté d’utopiste rêveur. C’est ça… Ou bien on passe aux insultes.

Je devais avoir 4 ans, 5 ans tout au plus. Ma mère et son mec de l’époque avaient décidé de nous faire découvrir à mon frère et moi, le Pays Basque, terre magnifique dont les habitants n’ont jamais su ou pu choisir entre leur désir d’indépendance et le confort du régionalisme. Si je n’ai aucun souvenir de mes aventures sur le territoire "français", les événements dont j’ai été témoin sur le territoire "espagnol" sont gravés à jamais dans ma mémoire. Fils d’un militant communiste et d’une fille d’un flic apparenté communiste ; je savais déjà à l’époque que l’Espagne avait connu le pire et qu’il n’y avait pas si longtemps un méchant avait verrouillé toute idée de liberté. Je savais aussi que maintenant ça allait mieux. Qu’en Espagne, comme en France, c’était la "Démocratie", que le peuple avait le droit de s’exprimer. Mon premier contact avec la "Démocratie" se fit donc au Pays Basque. Ce contact fut un char d’assaut et des mitraillettes pour "disperser" des individus subversifs ayant eu l’idée, les fous, de manifester pacifiquement pour l’indépendance du Pays Basque. Cocktails Molotov, pavés, contre tirs de kalachnikov préventifs. ça vous fait réfléchir.
De là sans doute me vient cette méfiance des autorités. Ma scolarité, mon adolescence, n’ont fait que confirmer cet état de fait. Ce que les hommes politiques nommaient "démocratie" avait souvent le goût de l’oligarchie. Ce que les profs appelaient l’école de la république n’était rien d’autre qu’un camp d’entraînement à la survie en terrain inhospitalier, pour ne pas dire en entreprise, où l’idéologie du chacun pour soi prédominait. Toute initiative de groupe était systématiquement d’une manière ou d’une autre brisée par l’autorité. Sauf si, évidemment, le groupe en question était une création du maître, du professeur. Beaucoup auraient abdiqué, pris le pli, histoire d’avoir de belles images ou bien au contraire foutre leur vie en l’air en partant trop tôt vers l’insurrection. Le cocon familial sans doute m’a permis de ne pas tomber dans ces pièges. Les manifs étaient mon quotidien, la musique rythmait mes lectures de Marx, Lenine et Mao que je chopais dans la bibliothèque paternelle. Plus tard Bakounine, Lafargue, Debord et les best-sellers de Bourdieu.
Mais voilà… j’ai eu l’inconscience de fricoter avec les anarchistes, avec les trotskystes (plus jolies) et à chaque fois je suis passé pour le type adorable mais franchement casse-couilles. Un simple différend sur ce que l’on considère être les valeurs de gauche et mon éviction du groupe était automatique.
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Et puis ce 21 avril 2002, les valeurs de la république, de la démocratie et de la fraternité ont volé en éclats. Ce fut un choc, mais il faut le dire un véritable espoir pour en finir avec cette mascarade. Mes convictions profondes m’avaient éloigné du vote et une révolte populaire était pour moi inévitable. Ce soir-là, j’ai vu les banderoles de la LCR et de la CNT plier bagage quand un cri faible, je l’avoue, mais un cri puissant, appelait a la prise de l’Assemblée Nationale. A ce moment-là, ces partis structurés et plus ou moins pacifiques auraient pu donner un coup de pouce à l’instauration de la révolte populaire. Ce soir-là j’ai cru qu’ils avaient trahi leurs idéaux révolutionnaires. Les émeutes de novembre 2005 m’ont finalement rappelé qu’il n’en était rien. La CNT et la LC "R" n’étaient rien d’autre que des coquilles vides pour contenir la révolte populaire.
Entre temps, pour faire moi-même l’expérience de la mascarade démocratique j’ai décidé de jouer le jeu des élections. A fond. Et il suffit de leur demander pour vous en convaincre : j’étais à fond, limite gonflant. J’ai fait le choix de la sociale démocratie. Cela pourrait sembler bizarre, sauf si l’on sait que deux efficaces opposants au capitalisme financier, premier ennemi à abattre, étaient prêts à se mettre à l’action sitôt la sainte élue.
Le 6 mai 2007, la gauche s’est pris un bon coup de batte de base-ball sur le crâne (ou une balle dans la nuque, c’est selon). Ce n’est pas un accident de l’Histoire. La faute n’est pas à rejeter sur l’incompétence de la gauche libérale : C’est juste que les armatures qui charpentent les valeurs du peuple de gauche sont depuis longtemps structurées par des groupuscules dont les représentants n’ont que faire des valeurs de gauche. Pourtant les valeurs de gauche sont simples. On les retrouve dans le nom des marques déposées des partis de gauche : communisme, socialisme, révolutionnaire. Tout ce que ne sont pas les partis de gauche. Que cela soit le PS, le PC, les Verts, ou bien la LCR et les joyeux foldingues de L.O ou de la CNT. Je ne crois pas en un parti de gauche, ni même en un parti anti capitaliste. Je crois bien plus à l’action des réseaux de gauche, à la base socialiste aux individus de la LCR et pour les soirées costumées aux anarchistes, ou autres Blacks Blocks et "Autonomes". La logique des partis, des syndicats est en train de s’autodétruire avec la fusion PS-UMP, les défilés de mode de la gauche antilibérale, l’officialisation des relations patrons/syndicats et le soutien des Verts au pseudo mini traité ultra-polluant de Nicolas Sarkozy.

Les mois qui suivent et la fronde anti-libéralisme (qui a oublié son nom) qui commence à naître vont peut-être me donner raison et les expériences des émeutes de novembre 2005 ou les manifs sauvages agrémentées de barricades flamboyantes du printemps 2006 auront sans aucun doute des rejetons. Nous, les vivants, sommes devenus incontrôlables.

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