26.6.09

Qui a tué Bambi?

"l'industrialisation du monde à marche forcée depuis le 19e siècle est largement réputée responsable d'avoir infligé un sévère défi à l'identité individuelle: un monde standardisé à l'efficacité croissante compromet la liberté individuelle, son importance et ses chances, avec comme sensation résultante la perte de sa propre identité"

(1977, Rapport annuel de la société Warner Communication)

"Qu'est il arrivé l'année Michael Jackson? Pour les quelques premiers millions qui ont acheté Thriller, forme et fond, subjectivité et objectivité, soi et l'autre, marchandise et consommateur ne faisaient qu'un. Ces quelques millions ont acheté un disque qu'ils aimaient. Puis Thriller est devenu une image - une image, dans le milieu du capitalisme moderne, dans le paradis du spectacle, du bien: une image irrésistible d'auto réalisation et de conquête du public. Après ça, la forme supplanta le fond, ce qui ne veut pas dire que le message de Jackson s'est perdu dans la glose de Thriller - mais que ni la forme, ni le fond ne sont restés liés au disque lui-même. Le fond n'était plus dans le son de la musique, et la forme n'était plus dans la manière dont la musique avait été produite ou fonctionnait comme genre. Le fond c'était maintenant la réponse de chacun à l'évènement social que représentait Thriller, la forme les mécanismes de l'évènement.
Pour Debord, la société du spectacle était la société moderne elle même, en aucune façon naturelle, une construction intéressée mais néanmoins implacablement complète: "la réalité surgit dans le spectacle, et le spectacle est réel." Puisqu'il était issu du milieu pop, cette usine à symboles, on pouvait considéré Thriller comme un spectacle du spectacle, une médiation entre le spectacle pop et le plus grand spectacle qu'était,Thriller semblait le prouver, la vie sociale. Les Sex Pistols avaient forcé les gens à choisir - au début, pour ou contre les Sex Pistols, puis, si on entrait à un concert de Johnny Rotten, dire oui ou non à Dieu et à l'Etat, au travail et aux loisirs, à l'artiste ou à soi. Le triomphe de Michael Jackson a été de permettre aux gens de ne pas choisir. Thriller appliqua son propre principe de réalité: il était là, dans chaque trajet pour aller bosser, sérénade pour chaque course, référent pour chaque achat, un fait dans chaque vie. Il était inutile de l'aimer. il vous suffisait de le reconnaître - mais d'une certaine façon, durant l'année Michael Jackson, le reconnaître c'est l'aimer."

Greil Marcus, Lipstick Traces, Une histoire secrète du 20e siècle.



3 commentaires:

clyde a dit…

Malcom Mac Laren : avant-garde néolibérale capitaliste manipulatrice

Baldassare Castiglione a dit…

Jarvis est vivant ! Lui, ne s'est pas pris pour Jésus (même s'il a les mêmes initiales) :

http://www.youtube.com/watch?v=BkPD69HXW6U

L'Anonyme de Chateau Rouge a dit…

Malcom Mc Laren à fait entrer le monde de la révolte dans la société du spectacle. Aujourd'hui il y a la révolte proprette a la besancenot-mélenchon et les désobéïssants. Et il y en a d'autres qui travaillent a sortir de ce systeme plutot que d'y faire la pute. Malcom Mc Laren n'est pas l'avant garde du néolibéralisme (voir Public Ennemies, on y découvre les premieres traces du capitalisme du désastre a travers le business de la mafia et les intérets médiatiques de Hoover) mais l'avant garde d'une révolte controlée, marchande. Michael Jackson monstre nietzschéen a préféré s'autodévorer. Création de l'industrie du disque qui continue encore aujourd'hui a tuer les artistes tout en se faisant passer pour ses avocats, Michael Jackson savait qu'il ne pouvait vivre tres longtemps dans cet enfer.
Jarvis Cocker se balade entre Mc Laren (ironie de la révolte) et Michael Jackson (l'autre king of the pop).Il vivra bien plus vieux.